Quel rapport entre chimie et biotechnologies ?
le rôle de la chimie dans les biotechnologies
Les biotechnologies mettent en œuvre des organismes vivants. A l’occasion de l’interview réalisée sur le plateau télé Your Future au Parc des Princes à Paris le samedi 11 février, Gérard Bacquet, directeur de l’ESCOM Chimie, s’est saisi du sujet.
Les biotechnologies sont présentes dans plusieurs secteurs professionnels : la santé (vaccins, médicaments), l’industrie (biocarburants, détergents), l’agroalimentaire (levures, pigments), l’environnement (dépollution des eaux et des sols, traitement des déchets).
Que sont les biotechnologies ?
Les biotechnologies sont des méthodes de production de produits à l’interface entre les sciences des ingénieurs (comme le génie chimique) et les sciences de la vie (comme la biologie par exemple). Nous sommes au cœur de la chimie du vivant.
Pour simplifier, les biotechnologies utilisent un organisme vivant (une cellule, un champignon, une bactérie …). Cet organisme vivant va être nourri avec un jeu de nutriments et en échange il va produire, transformer ces nutriments, en des produits chimiques d’intérêts.
Les plus connus au quotidien sont par exemple la production de yaourt à partir de lait et de ferment lactique, ou la production de bière (donc de l’alcool à consommer avec modération), à partir d’orge ou de malte et un champignon microscopique vivant qu’on appelle communément de la levure.
Quels sont les principaux domaines d’application des biotechnologies ?
Traditionnellement, l’application des biotechnologies a été l’alimentation animale et humaine.
Très vite, les biotechnologies ont été appliquées pour la fabrication de principe actif pour la santé, c’est-à-dire des médicaments. Les êtres vivants sont capables de fabriquer des molécules qu’il serait impossible ou très difficile de produire par de la chimie organique traditionnelle.
Les cosmétiques utilisent depuis plusieurs années de nouvelles molécules issues des biotechnologies, car elles apportent la naturalité et la neutralité toxique que cette industrie recherche.
Aujourd’hui il y a une forte activité sur les thématiques de l’environnement comme le remplacement de produits fossiles (c’est-à-dire issus du pétrole).
Et cela est souvent associé à :
- la chimie biosourcée,
- le recyclage,
- l’élimination de déchets toxiques ou non toxiques (le plastique par exemple),
- la dépollution des sols et de l’eau,
- et aussi, ce qui est d’actualité, la production d’énergie c’est-à-dire la méthanisation à partir de déchets agricoles.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser c’est un domaine assez ancien ?
Beaucoup de nos connaissances sont anciennes et cela s’applique aussi aux biotechnologies dont la notion, ou définition pour le monde industriel a été inventée au début du vingtième siècle. Pour mémoire, la pénicilline a été inventée en 1928.
Mais cette connaissance bénéficie aujourd’hui de nouveaux apports et concepts qui la met d’actualité :
- Les ordinateurs et les puissances de calcul qui permettent de faire du data mining, des simulations précises voire de l’intelligence artificielle ;
- Un meilleur contrôle des procédés qui permettent de mieux maîtriser l’évolution de ces êtres vivants qui agissent comme des micro-usines chimiques;
- Des révolutions technologiques dans la chimie qui permet de mieux analyser les produits et de mieux les séparer sur des très gros volumes ;
- Enfin une volonté de l’industrie chimique d’utiliser des méthodes douces, à froid, dans l’eau …
Tout ce qui fait la chimie verte et durable que nous enseignons à l’ESCOM chimie depuis 20 ans.
Comment formez-vous à la biotechnologie à l’ESCOM Chimie ?
Avant d’être un biotechnologue ; le spécialiste dans ce domaine doit être un bon chimiste avec une culture scientifique étendue et profonde. C’est le cœur de la formation à l’ESCOM Chimie qui est basée sur l’ensemble des connaissances de la chimie verte et durable.
Les biotechnologies sont abordées par l’initiation à la recherche. C’est un module de 200h que nous avons en fin de 4ème année, par des projets dédiés et pour ceux qui ont choisi ce domaine, par une spécialisation et les masters en partenariat avec l’université de technologie de Compiègne. Ces spécialisations et masters sont encadrés par nos enseignants chercheurs qui ont une activité inventive reconnue dans ce domaine.
Et enfin, n’oublions pas tous nos partenaires industriels qui doivent aussi se former dans ce domaine. Pour renforcer cette formation, nous avons créé avec deux autres partenaires industriels une structure dédiée sur les biotechnologies : EPI Bioscale. Elle permet d’accompagner les industriels par de la formation continue, par des séminaires spécialisés, par des prestations de développement et de recherche qui peuvent intéresser nos étudiants.
Pour les élèves de terminale, comment savoir si c’est un secteur qui peut les intéresser ?
Les jeunes hésitent souvent entre les sciences de l’ingénieur et les sciences de la vie.
Les sciences de l’ingénieur apportent la structuration de la connaissance recherchée par l’étudiant qui en a les capacités. E t les sciences vivantes répondent à ses désirs d’agir en symbiose avec ses choix personnels liés à l’environnement, la santé, la protection des animaux … Tous ces concepts que nous rencontrons dans l’approche « One Health ».
Les biotechnologies, cette chimie du vivant, ne sont pas les seuls à répondre à ce souhait d’équilibre. Et souvent les étudiants découvrent les autres domaines au cours de leur formation. Mais au niveau de la terminale, les biotechnologies parlent aux étudiants et étudiantes et leur permettent de commencer leur formation avec une vision précise et sereine.
En termes d’emplois quelles sont les typologies de postes où l’on fait appel à des connaissances dans ce domaine ?
Les ingénieuses et les ingénieurs fraîchement formés dans ce domaine trouvent des postes de cadre dans trois grands domaines :
- La recherche, qui est souvent le premier poste pour un ingénieur en général. Il a pour vocation de trouver les conditions opératoires. C’est à dire les matières premières chimiques de base et l’être vivant associé. Mais aussi les conditions de production, soit le dimensionnement des unités, l’évaluation du risque biologique et chimique. Tout ceci dans l’optique de produire la molécule recherchée dans de bonnes conditions de sécurité pour l’homme et la nature. Et également de rendre cette production viable économiquement. Les deux piliers de la chimie durable, la chimie verte.
- La toxicologie, l’environnement, la réglementation, l’audit, ce que nous appelons en interne la formation TÉRA et qui est une clef de voûte de la formation en chimie du vivant, sont aussi des postes liées aux biotechnologies. C’est fortement le cas pour le domaine de l’alimentation et de la cosmétologie. Il ne suffit pas de dire que cela est naturel pour que cela soit sans danger à court et long terme. Ce domaine est surtout en forte croissance pour les biotechnologies qui neutralisent et valorisent les déchets par exemple.
- Les métiers de production, dit aussi DSP (Down Stream Process). Ceux-ci permettent de passer de l’échelle du laboratoire à la production de produit pur à l’échelle industrielle. Afin de répondre à la demande du marché final : alimentation humaine et animale, cosmétique, pharmaceutique, industrielle. Mais aussi l’utilisation de procédés pour la mise au point de fermentation.
Ça recrute bien ?
Oui cela recrute fortement et de plus en plus. Nous avons un site dédié à l’emploi à l’ESCOM Chimie qui permet de mettre à disposition de nos étudiants près de 150 postes par mois. Les biotechnologies représentent près de 10% des offres d’emploi que nous recevons.
Il y a une tension pour les métiers liés à la toxicologie (QHSE) et à la production (DSP) dans les domaines du cosmétique, de l’alimentation et des industries qui veulent substituer des matières premières d’origine fossile et celles qui souhaitent transformer des déchets.
Replay vidéo de l’interview
Retrouvez le replay de cette interview sur le plateau télé Your Future du Parc des Princes : ESCOM Chimie : Les Biotechnologies.